Retraite : ces nouveautés que prépare Emmanuel Macron
Publié le 31 Mai 2022
Rédigé par Emilie Gardes
Retraite
Perpétuellement remanié sans ne jamais réellement trouver son équilibre le plus efficient, le système de retraite français devrait bientôt effectuer une nouvelle mue. Avant le second scrutin du 24 avril dernier qui a sacré son maintien à la présidence de la République, Emmanuel Macron avait déjà commencé à esquisser les contours d’une énième réforme à venir. Pourquoi, finalement, remodeler encore une fois le dispositif actuellement en vigueur ? Quels changements pourraient prochainement intervenir ? Quels sont ceux qui vont directement vous impacter ? Selexium vous livre toutes les réponses.
En bref
Les Français commencent à en avoir pris l’habitude : à chaque nouveau gouvernement sa réforme des retraites. En raison de la crise sanitaire engendrée par le coronavirus, Emmanuel Macron n’a pas trouvé le temps de prendre à bras le corps ce sujet de taille lors de sa première mandature. Il ne l’a pas remisé pour autant et compte mettre à l’œuvre sa Première ministre Elisabeth Borne en priorité sur la question. La locataire de Matignon va devoir construire ce grand projet de refonte du fonctionnement du système de retraite français autour de trois directives souhaitées par le président : réindexation des pensions de retraites sur l’inflation, mise en place d’une retraite minimale et recul de l’âge légal de départ en retraite.
Retraite : pourquoi une nouvelle refonte ?
Un choc démographique devenant ingérable
Plusieurs détracteurs seraient tentés de songer qu’Emmanuel Macron a répondu à une certaine stratégie électorale en remettant sur le devant de la scène le projet de refonte des retraites qu’il avait abandonné lors de son premier quinquennat. En effet, si ce sujet toujours brulant compile les enjeux, dans la réalité des faits, ils le sont surtout pour le pays plutôt que pour un homme politique en désir de ré-intronisation. Le choc démographique exponentiel observé par la France depuis la génération des babyboomers et l’allongement de l’espérance de vie a considérablement asséché les caisses dédiées à la retraite par répartition, et le système tout entier pourrait, dans un avenir très proche, disparaître. A tel point que la retraite tricolore, dont tout citoyen apprécie l’aspect solidaire et universel, pourrait se transformer, comme dans d’autres Etats dans le monde, en dispositif privé et individuel. Comprenons par là que bien des Français ne bénéficieraient plus des mêmes avantages économiques une fois l’âge de la retraite venu.
Le Fonds de Réserve pour les Retraites, un échec ?
Les précédents gouvernements, avant celui d’Edouard Philippe et de Jean Castex, s’étaient déjà, tous sans exception, penchés sur cette question de la viabilité de notre système de retraite. Chacun d’entre eux s’est essayé à des remaniements, et si ces derniers ont pu parfois constituer des solutions temporaires, ils n’ont pas permis de mettre durablement à l’abri nos ainés. Pour exemple, sous la mandature de Lionel Jospin en 1999 a été créé le Fonds de Réserve pour les Retraites (FRR) afin de devancer le choc démographique approchant et pouvoir, dans une certaine mesure, y palier. L’objectif à l’époque était d’atteindre un objectif de provisionnement de 150 milliards d’euros en 2020.
Deux ans plus tard, l’ambition est loin d’être atteinte, il n’est doté que de 38 milliards d’euros. Il est à noter toutefois que cette mesure ne constitue pas concrètement un échec. Depuis la réforme du gouvernement d’Eric Woerth en 2010, 2,1 milliards d’euros sont empruntés annuellement dans cette enveloppe afin que le système puisse maintenir son cap en versant aux seniors les pensions mensuelles fruits de leurs droits d’activité.
Aplanir les écarts entre hommes et femmes ?
Autre élément de poids qui pèse dans la balance et influe sur cette nouvelle volonté de réforme ; l’écart de retraite entre les hommes et les femmes. Lors des dernières données analysées fin 2019 par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), les pensions accréditées à la gente féminine se révélaient de 40 % inférieures à celles des hommes. Depuis, cette différence ne serait plus que de 32 %. En amélioration donc, même si le point d’harmonisation semble encore chimérique. D’autant plus que le contraste se démontre particulièrement marqué pour les retraitées du privé versus celles émanant de la fonction publique. Les femmes issues du secteur étatique percevraient en moyenne une pension représentant 80 % de celle des hommes.
Les raisons qui tendent à expliquer ce déséquilibre apparaissent logiques et élémentaires : des carrières féminines interrompues par les congés maternité, la mise en place de temps partiels pour s’occuper de sa famille (un tiers des femmes actives en France), des salaires plus bas (-28,5 %) que ceux des hommes, la prise en compte fragmentée des primes, et un mode de calcul plus pénalisant au sein du privé. Un postulat néanmoins loin d’être strictement franco-français. Il se dépeint sur la quasi intégralité de la surface du globe.
Réforme 2022-2027 : les nouvelles mesures phare
A l’heure actuelle, les éléments dévoilés publiquement par le chef de l’Etat concernant cette nouvelle refonte du système de retraite tricolore demeurent encore bien embryonnaires. Une relative pondération que l’on pourrait attribuer à la crainte d’Emmanuel Macron que son projet de réorganisation – pourtant déjà souhaité et planifié pour son premier quinquennat – ne voit jamais le jour. En effet, alors qu’il vient de nommer Elisabeth Borne à la tête de Matignon et qu’elle devrait justement se voir confier la charge de ce grand chantier de transformation, les élections législatives de juin 2022 pourraient changer la donne. Si le mouvement « En Marche » ne rafle pas une majorité de sièges à travers le pays pour dominer au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le président de la République sera dans l’obligation de composer avec une cohabitation en définissant un Premier ministre en probable inadéquation avec sa couleur politique, ses valeurs et ses chevaux de bataille.
Néanmoins pour l’heure, lors de ses passages dans les médias dans les précédents mois, Emmanuel Macron a tout de même révélé quelques axes majeurs autour desquels serait construit la réforme qu’il vise.
Réindexation des retraites sur l’inflation
L’une des grandes promesses électorales effectuée par le chef de l’Etat pour nos ainés tient dans la revalorisation des pensions de retraite afin de les réindexer sur l’inflation. Cette dernière se situant actuellement aux alentours de 4 % en France, on pourrait alors songer que le pouvoir d’achat des seniors soit relevé de la même proportion, soit 4 %. Si l’exécutif n’a pas encore confirmé la nature exacte de cette augmentation, cette mesure aurait pour vocation de permettre aux retraités de reprendre un peu leur souffle financièrement, après avoir observé leur budget quotidien se réduire comme peau de chagrin depuis la flambée généralisée des prix.
Alors qu’une première revalorisation de l’ordre de 1 % était déjà intervenue au 1er janvier dernier, cette seconde phase de majoration devrait survenir dès le 1er juillet, tel que l’avait avancé le président de la République alors candidat à sa réélection.
Une nouvelle retraite de 1 100 € minimum
Seconde annonce délivrée par Emmanuel Macron alors qu’il était en campagne ; la mise en place d’une pension de retraite minimale d’un montant de 1 100 €, qui se qualifierait de « minimum contributif ». Comprenons donc bien par là qu’aucun versement mensuel destiné aux ainés ne pourrait être en-deçà de ce palier. Une mesure qui ne concernerait que les salariés du privé ainsi que les professions considérées comme « alignées ».
Cependant, cette nouvelle séduisante constituerait, à l’image de la réindexation des retraites sur l’inflation, un véritable effort économique pour le pays. Les analystes se montrent d’ailleurs très mitigés. Selon eux, une telle ambition ne pourrait être tenable en raison des trop grands rééquilibrages de calculs qu’elle nécessiterait entre les individus et d’une certaine absence de justice qu’elle engendrerait, défavorisant ceux qui se sont évertués à travailler toute leur vie sans interruption.
Report à 65 ans de l’âge légal de départ
C’est sans nul doute la mesure qui fait le plus grincer les dents des Français. Pour pouvoir palier au vieillissement de la population de l’Hexagone, assurer une pension minimale à 1 100 euros et permettre la pérennité de ce système de retraite par répartition envié à l’international, le chef de l’Etat prévoirait à partir de janvier 2023 de faire glisser l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 65 ans d’ici 2031. La transition serait progressive et s’articulerait autour d’un report de 4 mois par génération, pour aboutir à 64 ans entre 2027 et 2028, année d’achèvement de son second quinquennat. Il faudrait ainsi travailler 3 ans de plus au cours de sa carrière pour pouvoir en cesser l’activité et pouvoir liquider ses droits ouvrant à la perception d’une rémunération publique mensuelle.
Seulement, bémol, s’il est bien question de l’âge légal de départ, rien n’a été stipulé par l’exécutif concernant l’âge de départ à taux plein. Car en effet, pour rappel, afin de bénéficier du montant maximum de pension auquel vous pouvez prétendre, il est nécessaire aujourd’hui de cumuler deux facteurs : avoir atteint l’âge légal autorisé (soit 62 ans actuellement ou 60 ans pour les carrières longues) + le nombre de trimestres de travail requis par la réglementation (soit entre 160 et 173 actuellement selon les publics). Deux conditions qui ne sont pas toujours faciles à faire coïncider. Ainsi, dans les faits et selon les statistiques tricolores, un Français part aujourd’hui davantage à la retraite à taux plein à 65 ans et non à 62 ans.
A noter !
A ce jour, si vous n’avez pas cumulé le nombre de trimestres obligatoires, la loi française vous permet de partir avec une retraite à taux plein à l’âge de 67 ans. Si vous quittez en revanche votre activité professionnelle à partir de 62 ans sans attester d’un nombre de trimestres suffisants, votre pension de retraite va subir une décote de -1,25 % par trimestre manquant.
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Carrières longues et pénibilité au travail
Les carrières longues avaient déjà bénéficié de davantage de considération et de reconnaissance lors de la réforme du gouvernement d’Eric Woerth en 2010. Emmanuel Macron souhaite aller encore plus loin en favorisant les publics concernés, et notamment les professions laborieuses comme les routiers ou les manutentionnaires. Ces Français pourraient en effet choisir de compiler leurs RTT et de les conserver afin qu’ils soient ensuite intégrés à leur retraite. Le chef de l’Etat a cependant indiqué qu’il n’acterait aucune décision sur ce point avant un échange collaboratif avec les partenaires sociaux : « Le référendum est un instrument à la main du président de la République […] je pense que sur un sujet comme ça, c’est d’abord la concertation, la discussion et le respect de toutes les parties prenantes » a-t-il énoncé le 22 avril lors de l’entre-deux-tours.
Recours à un bonus-malus ?
Un dernier axe de réflexion, non soufflé par Emmanuel Macron et son équipe mais par les spécialistes en la matière, porterait sur un système de bonus-malus très incitatif. Celui-ci jouerait sur la conscience et la responsabilisation des Français qui, acceptant de faire reculer d’eux-mêmes leur départ à la retraite, seraient récompensés par des surcotes importantes, bien au-delà de ce qui est pratiqué actuellement (+1,5 % par trimestre supplémentaire cotisé). Une idée qui pourrait tenir la route, mais sur laquelle le président de la République ne s’est encore jamais exprimé.
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Ce que pense Elisabeth Borne du projet de réforme des retraites
Nommée le 16 mai 2022 cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne est très attendue par ses concitoyens sur les futures grandes missions qui vont lui incomber. En effet, si cette technocrate, seconde femme de l’histoire de France à accéder au glorieux poste de Premier ministre, semble avoir couronné de succès les projets qu’elle a mené (réforme de l’assurance chômage et de la SNCF) dans les différents ministères qu’elle a traversés (Transports, Transition écologique, Travail), elle n’en reste pas moins novice en tant que nouvelle locataire de Matignon.
Les deux grands chantiers que va lui confier Emmanuel Macron sont de taille : la planification écologique et la fameuse réforme des retraites. Sur ce dernier plan, la haute fonctionnaire polytechnicienne a affirmé il y a quelques mois qu’une réorientation était absolument « nécessaire ». Ce remodelage qu’elle s’apprête à mener risque de ne pas être sans douleur. Deux jours après son entrée en fonction, la Première ministre était déjà interpellée dans une lettre ouverte par huit syndicats d’agents publics : CFE CGC, CFTC, CGT, FA, FO État, FSU, Solidaires et UNSA de la Fonction publique. Au sein de leur missive, les organisations se déclarent fermement « hostiles à tout nouveau recul de l’âge légal pour pouvoir partir à la retraite ».
L’adhésion des Français pour ce nouveau projet de refonte semble donc loin d’être gagné. Et la possibilité d’un passage en force via le 49-3 pourrait être à craindre, comme l’avait laissé suggérer le 25 avril le ministre de l’Economie Bruno Lemaire :« Je ne peux pas donner cette garantie, mais je ne le souhaite pas […] J’ai toujours dit que cette réforme devait faire l’objet, le plus possible, de discussions et de dialogue avec l’espoir de parvenir à un compromis ».
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Allongement de la durée de cotisation, LA solution d’apaisement ?
Face à la grogne grandissante qu’elle a pu créer lors des précédents mois d’avril et de mai, la piste du report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 65 ans serait désormais « non figée« , a déclaré la Première ministre le dimanche 22 mai dernier dans le Journal du Dimanche. Un axe qui apparaissait pourtant, jusqu’alors, prioritaire et incontournable pour l’exécutif.
La raison de cette volonté d’assouplissement semble adroite : atténuer les premières tensions et éclats rougeoyants sur le sujet, avant même que la réforme ne soit réellement initiée, et avant même que les élections législatives de juin ne se soient démontrées en totale faveur du chef de l’Etat réélu. Olivier Dussopt, nouveau ministre du Travail, a ainsi indiqué le 24 mai sur la radio RTL : « Aujourd’hui il y a beaucoup d’hypocrisie dans tout cela car les réformes déjà votées augmentent la durée de cotisation. C’est un objectif qui est déjà contenu dans les textes mécaniquement […] Nous inscrirons le calendrier de cette réforme et sa préparation dans le cadre du plan d’action du gouvernement. Le président de la République nous a fixé un mois pour l’arrêter« . L’homme politique a ajouté que de grandes négociations seraient lancées en septembre et en octobre avec syndicats et patronat.
Report de l’âge pivot et allongement de la durée de cotisation : quelle différence ?
Le récent gouvernement d’Elisabeth Borne a révélé avancer sur une nouvelle piste afin d’éviter le report de l’âge légal : l’allongement de la durée de cotisation. Deux mesures qui sembleraient concourir au même objectif. Et pourtant dans les faits, elles n’induisent pas exactement le même sens.
Avec le recul de l’âge pivot, un futur senior n’a pas le choix ; il doit atteindre le palier obligatoire pour avoir l’autorisation de liquider sa retraite. Il y est contraint. Avec l’extension de la durée de cotisation par contre, qui met en exergue les dispositifs incitatifs et volontaristes de retraite à taux plein et de décote/surcote, l’ainé en devenir détient la main mise sur son départ en retraite. S’il aide son pays à maintenir l’équilibre du système universel de retraite face à la révolution démographique qui le fragilise, il sera remercié d’une majoration financière mensuelle pour passer de vieux jours plus paisibles.
C’est ainsi un vrai travail de fourmi et de gros œuvre qui attend Emmanuel Macron et Elisabeth Borne sur ce sujet épineux de la réforme des retraites. Sans compter un état de fait souvent occulté : les erreurs de calcul des agents administratifs pour la détermination des pensions font légion. La Cour des comptes n’a pas manqué en 2021 d’appuyer fermement sur ce constat. En effet, sur 9 386 dossiers analysés de façon aléatoire par la Cnav (Caisse de retraite de base de la Sécurité sociale), 1 pension sur 6 présentait un montant erroné. D’où tout l’intérêt de bien contrôler et vérifier par soi-même que la somme qui vous est versée mensuellement, ou qui va l’être, se révèle correcte et en concordance avec les droits générés par votre carrière. En cas de doute ou de besoin de conseils, n’hésitez pas à vous faire accompagner par des experts. Ils sauront, de surcroit, vous apporter toutes les solutions complémentaires pour optimiser vos ressources financières une fois votre grand âge arrivé.
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